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Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/11

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la terreur en macédoine

— Oh ! non… je t’en prie plutôt… au nom de notre amour et pour notre bonheur si complet, si grand qu’il me fait peur !

— Soit ! je me résignerai aussi, dit-il avec son bon sourire d’homme épris, et quoique la flamme de son regard, semblât, démentir ses paroles.

— Merci ! bien-aimé… oh ! merci !

« Demain… c’est demain seulement qu’ils arrivent pour le tchetel maudit… Viens, la main dans la main, les yeux dans les yeux, nous mêler, à cette belle fête qui est la fête de notre amour. « Forte de ta promesse, je ne crains plus le malheur ! »

Pauvres enfants ! à l’instant même où le présent leur sourit, ce malheur qui menace toujours le paysan de Macédoine s’abat, comme un ouragan dévastateur, sur le village en liesse. Une galopade enragée fait trembler la maison. Des hennissements de chevaux, des fracas de métal s’accompagnent de clameurs humaines.

Le bétail qui somnole dans la grande cour, sous les hangars, un peu partout, s’enfuit effaré. Les buffles noirs vautrés dans la mare s’ébrouent sous une averse de fange ; les moutons se pressent à s’étouffer, dans un coin ; et les petits cochons détalent avec des grouinements exaspérés.

Cependant l’orchestre se tait brusquement. Les danseurs s’arrêtent, pris d’épouvante, et se précipitent vers les fenêtres. Des clameurs et des gémissements jaillissent de toutes les poitrines. Le père, le vieux Grégorio, lève, désespéré, les bras au ciel. Joannès veut s’élancer vers les intrus.

Nikéa, toute pâle, essaie de le retenir, et gémit d’une voix mourante :