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Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/124

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la terreur en macédoine

Et riant dans sa barbe à la pensée de la bonne farce qu’il vient de faire, il se dit :

« Si jamais Nikéa la Belle recouvre la raison, quelles malédictions en se voyant l’épouse d’un vrai croyant !

« Oh ! je suis bien vengé de ses dédains. »

Des cris violents l’interrompent.

« L’escorte !… l’escorte d’honneur à la folle…

« Elle ne partira pas ainsi… nous devons l’accompagner… La coutume le veut et nous l’exigeons.

— Soit ! » fait encore Marko dont l’autorité absolue reçoit coup sur coup de rudes atteintes.

Un cortège se forme, composé de femmes, d’enfants et de vieillards. Le peloton en armes prend la tête, et les exécuteurs deviennent des thuriféraires, ô ironie de la vie !

Nikéa, en apparence inconsciente, s’appuie au bras de Joannès, et cette résignation fait sourire Marko.

La tragédie va se terminer en comédie. Ah ! s’il n’y avait pas, là-bas, dans ce riant village de Salco, des ruines calcinées, des désastres accumulés, des cadavres entassés… Et avec cela des haines de race, de religion qui couvent sous la cendre et qu’une étincelle peut rallumer.

Le cortège quitte le nid d’aigle où habite le clan. Il descend lentement ce chemin terrible où fut broyé l’escadron turc. Partout des traces de sang, des débris de cervelles, des fragments de chair collés aux aspérités.

« La pluie lavera tout cela, fait Marko en haussant les épaules, et il y aura d’abondants festins pour les corbeaux. »

On descend vers la plaine qui, par ondulations