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Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/15

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la terreur en macédoine

principale en signe de prise de possession. Et nul n’oserait passer outre, même les gendarmes de Sa Majesté le padischah Abdul-Hamid lui-même !

Pendant que le chef parlemente avec le vieux Grégorio, les invités, en habits de fête, s’élancent, empressés, pâles et tremblants, vers les chevaux, les débrident, les bouchonnent, les attachent sous les hangars et leur distribuent, à profusion, la provende.

Le léopard, qui flaire la chair fraîche, fronce le mufle et gronde en sourdine.

« Vite ! s’écrie Marko, un mouton, le plus gras, le plus beau… Hadj n’a pas déjeuné… Il aime les fins morceaux… il serait capable de dévorer une de ces belles filles… et ce serait dommage ! »

On amène un mouton ; le féroce animal, d’un coup de griffe, lui ouvre le ventre et le dévore tout palpitant. Puis, les babines sanglantes, les lèvres plissées en rictus, il perçoit les émanations du troupeau affolé. Il abandonne sa proie, se rue au plus dru et bientôt, ivre de carnage, massacre pour le plaisir de tuer, de se vautrer sur les chairs chaudes…

Attablés, dans la grande salle, parlant fort, mangeant ferme, buvant sec, les apôtres, se font servir par les femmes et les jeunes filles.

Très pâle, mais calme et résolu, Joannès contemple froidement, sans mot dire, les dents serrées, l’orgie. Près de lui s’est blottie Nikéa terrifiée, désespérée, le cœur étreint d’une mortelle angoisse. La carabine entre les jambes, le poignard nu. à portée de la main, Marko s’est assis à une table, pendant que, devant lui, Grégorio debout se lamente.

Le bandit a tiré de sa poche une petite planchette longue de trente centimètres, sur laquelle sont