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Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/238

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la terreur en macédoine

De nouveau, les Turcs se ruent sur l’arête qui borde la redoute. Le pope voit une demi-douzaine de baïonnettes lui arriver au corps. Il saisit à brassée les fusils, et d’un effort irrésistible les réunit en faisceau.

Horreur ! les pointes d’acier s’enfoncent dans sa poitrine !

Il reste debout, formidable encore et ferme comme un roc, arrêtant tout net la ruée des brigands.

Un soupir, un mugissement plutôt s’échappe de cette poitrine mutilée. La voix toute rauque éclate en syllabes hachées :

« Le pont !… en bas !… dépêchez-vous !… pendant… que… je meurs !… »

Oui, ce sublime sacrifice du pope est l’unique moyen de salut. Les cœurs battent, les yeux se mouillent, les mains se crispent sur l’arme inutile… chacun a senti qu’il faut utiliser cette mortelle et suprême ressource !

… Joannès, Michel, Panitza et d’autres parmi les plus vigoureux saisissent les troncs de sapin. Des canons de fusil sont fourrés à force, par dessous, en guise de leviers…

Le pont soulevé tremble… se déplace de côté… lentement il glisse sur le roc… un dernier effort !…

Tout vibre, tout tremble et se désarticule… Un cri d’horreur échappe aux Turcs massés sur la passerelle qu’ils sentent s’abîmer… et dans l’obscurité grandissante, au milieu des coups de feu qui surgissent en éclairs rouges, tout s’effondre dans le précipice !