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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/27

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AURORA FLOYD

rora l’avait apporté dans un coffre ou dans un paquet qu’il pourrait apercevoir par la portière.

— Je parierais qu’elle est allée chercher l’argent, — répéta-t-il en regagnant la porte de la loge.

Il se rassit sur le seuil de la porte, il reprit ses bouts de cigare et ses réflexions, se frottant souvent la tête, quelquefois avec une main, quelquefois avec les deux, comme pour forcer à y entrer un sens qui manquait à sa pauvre cervelle. Quelquefois il soupirait de fatigue, comme s’il eût été tout le temps occupé à deviner une énigme difficile, et qu’il eût été sur le point d’y renoncer.

Ce fut longtemps après minuit que Conyers rentra, assez abîmé par l’eau-de-vie et la poussière. Il culbuta par-dessus l’idiot, qui était encore assis à la porte, puis jura après Hargraves parce qu’il se trouvait sur son chemin.

— A’ns r’m’n’ l’vtr al l’c’r’c, — dit Conyers, parlant une langue entièrement composée de consonnes, — t’qc’n’s’t ps lng.

Par ce discours un peu obscur, il donnait à entendre à l’idiot qu’il devait ramener sans retard la voiture dans les écuries.

Hargraves obéit aux ordres de son maître, et conduisant le cheval à son écurie au milieu du calme de la nuit, il rencontra un garçon de fort mauvaise humeur, une lanterne à la main, attendant à la porte de l’écurie, et peu disposé à causer, si ce n’est pour faire cette remarque, qu’il espérait bien que le nouvel entraîneur n’allait point jouer à ce jeu toutes les nuits, et qu’il espérait aussi que la jument que l’on élevait pour les courses n’avait pas été maltraitée.

Tous les chevaux de Mellish paraissaient avoir été élevés pour les courses et avoir perdu graduellement l’espoir d’être les vainqueurs du Derby, des Oaks, de la Chester Cup, du Great Ebor, des Yorkshire Stakes, du Saint-Léger et de la Doncastre Cup, sans parler des plus minimes rencontres, telles que Northumberland Plates, Liverpool Autumn Cups et Curragh Handicaps, où ils n’avaient eu que défaites et mécomptes, à leur honte journalière. Il n’y avait pas jusqu’au chariot qui allait chercher les provisions d’épicerie