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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/29

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AURORA FLOYD

Il s’arrêta tout à coup de brosser et chiffonna le gilet entre ses mains.

— Il y a un papier ! — s’écria-t-il ; — un papier cousu entre étoffe et doublure !

Il omit l’article devant chacun de ces substantifs, comme c’est l’habitude de ces paysans lorsqu’ils sont émus.

— Un bout de papier ! — répéta-t-il, — entre étoffe et doublure ! Je vais découdre le gilet et voir ce que c’est !

Il tira son couteau de sa poche, décousit avec soin une portion de la couture du gilet, et en tira un morceau de papier plié en double, d’une grandeur raisonnable, assez épais, en partie imprimé, en partie écrit.

Il s’appuya près de la lumière, ses coudes sur la table, et lut le contenu de ce papier lentement et laborieusement, suivant chaque mot avec son doigt épais, quelquefois s’arrêtant très-longtemps sur une syllabe, quelquefois relisant une demi-ligne ou environ, mais suivant continuellement les mots avec son doigt.

Lorsqu’il fut parvenu au dernier mot, il partit d’un grand éclat de rire, comme s’il venait de deviner une énigme fort difficile et qui l’avait tracassé toute la soirée.

— Je sais tout maintenant, — dit-il ; — je puis tout rassembler à présent, ses paroles… et les siennes… et l’argent. Je puis tout rassembler et tout comprendre. Elle va lui donner les deux mille livres pour qu’il s’en aille et ne dise rien de tout ceci.

Il replia le papier, le replaça avec soin dans sa cachette entre l’étoffe et la doublure du gilet, puis fouilla dans sa vaste poche, en retira un portefeuille en cuir horriblement gras, dans lequel, parmi toutes sortes de fatras, se trouvaient des aiguilles et un écheveau de fil noir embrouillé. Alors, se baissant au-dessus de la lumière, il se mit à coudre tranquillement la couture qu’il avait ouverte avec assez d’adresse et de propreté, en dépit de l’air gauche de son énorme personne.