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Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome I.djvu/173

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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

assez de soumission, mais au moment de sortir il se retourna pour grogner contre Dunbar.

Laura quitta le terre-neuve sur le palier, et revint auprès de son père. Elle se jeta une seconde fois dans les bras du banquier.

— Cher père, — s’écria-t-elle avec impétuosité, — mon chien ne grognera plus jamais contre vous. Cher père, dites-moi que vous êtes content d’être de retour auprès de votre pauvre fille. Oh ! vous me le diriez bien vite si vous saviez avec quelle tendresse je vous aime.

Elle tendit les lèvres et embrassa la figure impassible de Dunbar. Mais elle recula et s’éloigna de lui une seconde fois avec un frisson et un long et pénible soupir. Les lèvres du millionnaire étaient froides comme la glace.

— Père, — s’écria-t-elle, — comme vous avez froid, êtes-vous malade ?

Il était malade, en effet. Arthur, qui avait assisté tranquillement à la rencontre entre le père et la fille, vit un changement s’opérer subitement sur la figure de son client et il avança un fauteuil à roulettes, juste assez à temps pour que Dunbar pût s’y laisser tomber pesamment et tout d’une pièce.

Le banquier s’était évanoui. Pour la seconde fois depuis l’assassinat dans le petit bois de Sainte-Cross, il avait fait preuve d’une violente émotion. Cette fois l’émotion avait été plus forte que sa volonté et l’avait dominé complètement.

Arthur déposa le banquier sans connaissance sur le tapis. Laura courut chercher de l’eau et du vinaigre aromatique dans son cabinet de toilette, et, cinq minutes après, Dunbar rouvrit les yeux et regarda tout au tour de lui d’un air d’égarement et presque de terreur. Pendant un instant il fixa sa prunelle ardente sur la figure inquiète de Laura qui était agenouillée à côté de