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Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome I.djvu/210

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HENRY DUNBAR

suite de quelques viles insinuations d’un scélérat, à croire que cette douce et compatissante jeune fille était la plus basse et la plus perverse des femmes.

Hamlet n’eût pas agi de la sorte si la destinée lui avait permis d’épouser la femme qu’il aimait. On peut être sûr que le prince danois avait observé de près Ophélia, qu’il connaissait à fond le bon et le mauvais côté du caractère de cette infortunée, et qu’il lui avait parfois tendu des pièges en causant avec elle, pour voir si elle n’avait pas hérité de son père, Polonius, d’un peu de cette fausseté qui était le trait distinctif du courtisan à l’échine flexible. Le prince de Danemark eût peut-être été un mari un peu nerveux et inquiet, mais il n’aurait jamais eu recours à l’oreiller mortel, à l’instigation d’un misérable coquin.

Malheureusement, il est des femmes qui préfèrent l’Othello passionné et terrible au métaphysique et sentimental Hamlet. Les folles créatures se laissent entraîner par le bruit et les paroles, et accordent le plus de confiance à celui qui crie le plus haut.

Philip et Laura se rencontrèrent à un dîner que le millionnaire offrit à ses amis pour célébrer son retour. Ils se rencontrèrent de nouveau au bal, où Laura valsa avec Philip. Le jeune homme avait appris à valser de l’autre côté des Alpes, et Mlle Dunbar le préférait à ses autres danseurs. Ils se revirent à une fête champêtre. Une bohémienne à l’air fatal leur dit la bonne aventure. Laura rougit beaucoup, et fournit à Philip une excellente occasion d’admirer l’effet de cils noirs, longs et soyeux qui voilent des yeux bleu d’outre-mer. Ils se revirent sans cesse, tantôt aux courses, tantôt dans un banquet où Laura figurait, grâce à quelque complaisante duègne, et le baronnet devint amoureux de la séduisante fille du banquier.

Il l’aima avec ardeur et dévouement à sa manière