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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/235

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

donner trop de liberté aux jeunes filles. Mes idées sont tout autres. Je suis d’avis qu’on ne peut trop veiller sur celles qu’on a le devoir de protéger. »

Tout cela semblait très-noble et très-consciencieux.

Cela parut ainsi, même à Mme Woolper, qui, dans ses rapports avec Sheldon, ne pouvait jamais arracher de son esprit un terrible souvenir.

Ce souvenir était la mort de Tom Halliday et l’horrible soupçon et les craintes qui l’avaient assaillie au sujet de cette mort.

L’ombre de cette vieille terreur se plaçait quelquefois entre elle et Sheldon, maintenant encore, bien qu’elle eût depuis longtemps cherché à se persuader que cette terreur était sans fondement, folle.

« N’ai-je pas vu mon propre neveu enlevé par une fièvre deux fois plus soudaine que celle qui a enlevé ce pauvre M. Halliday ? se dit-elle. Et dois-je croire à d’horribles choses contre celui que j’ai élevé, quand il était enfant, parce qu’une tasse de bouillon gras m’a tourné sur l’estomac. »

Convaincue par ce raisonnement qu’elle avait été cruellement injuste envers son maître et reconnaissante de l’asile qu’elle avait trouvé chez lui dans sa vieillesse, Mme Woolper sentit qu’elle ne pouvait trop faire pour le service de son bienfaiteur.

Elle s’était déjà montrée habile et économe ménagère, elle avait réformé les abus, et introduit un nouveau système d’économie domestique, au grand étonnement de la pauvre Georgy, pour laquelle la responsabilité de l’administration intérieure de la villa gothique avait été un si écrasant fardeau.

Georgy n’était pas précisément reconnaissante envers la vieille femme du comté d’York qui l’avait déchargée