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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/168

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Elle l’avait soupçonné longtemps avant, mais ses soupçons n’ayant rien qui les appuyât, son énergie de caractère en était venue à bout ; elle était plus forte et plus sage maintenant que ses soupçons avaient l’appui de la science.

Il resta quelques instants regardant sa vieille nourrice d’un air sombre et irrité.

Quel sentiment pouvait-il éprouver, si ce n’est celui d’une profonde indignation contre cette femme qui osait lui résister quand il avait tant de droits à ses fidèles services ? Elle lui avait promis fidélité, et au premier mot d’un étranger, elle l’abandonnait et passait à l’ennemi.

« Avez-vous la prétention de vous refuser à me montrer la potion que vous avez fait prendre à ma belle-fille ? demanda-t-il.

— J’entends obéir aux ordres qui m’ont été donnés par le nouveau docteur, dit la vieille femme avec une calme tristesse, lors même que cela devrait vous irriter contre moi, vous qui m’avez donné asile dans votre maison dans un moment où je n’avais que le workhouse en perspective, vous que j’ai porté dans mes bras il y a quarante ans. S’il ne s’agissait pas de la chère existence en ce moment en danger, monsieur, et si je n’avais pas veillé son père au lit de mort, je ne pourrais me mettre en opposition ainsi avec vous. Mais sachant ce que je sais, je me tiendrai ferme comme un roc entre vous et elle, et ne me croyez pas moins pour cela votre fidèle servante, si je ne crains pas de vous offenser.

— Tout cela n’est qu’une impudente comédie, Nancy. Je suppose que vous vous êtes entendue avec Mlle Halliday et l’amoureux de Mlle Halliday et que vous pensez mieux servir vos intérêts en vous attachant à eux