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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/174

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

rait y ajouter foi ? Les hommes devant lesquels ils seraient répétés lèveraient les épaules et secoueraient la tête avec incrédulité et quelqu’un d’entre eux dirait : « — Un homme dans la position de Sheldon ne fait pas de semblable choses, vous le savez bien ; » tandis qu’un autre ajouterait : « — J’ai dîné avec lui à Greenwich l’été dernier et quel bon dîner il nous a donné. Dawkins, le grand constructeur de navires, et Mac Pherson, de la maison Mac Pherson et Flinders, les négociants de Glascow, y étaient. C’était magnifique, je vous l’assure. Un vrai gentleman que ce Sheldon. » Et tout se bornerait là.

Y aurait-il une enquête après la mort de sa belle-fille ? Non. Jedd savait qu’en pareil cas les enquêtes post mortem n’amènent que confusion et perplexité ; des rapports et des contre-rapports de médecins qui se contredisent ; chacun persiste avec opiniâtreté dans sa théorie favorite, et les docteurs experts ne voient là qu’une occasion de donner une publicité plus large à leurs opinions et d’accroître leur importance personnelle. Un nombre considérable de sujets appartenant à la race canine seront peut-être mis à mort pendant ces ravissantes expériences, les grands principes de la science chimique seront discutés sous tous les points de vue, dans d’innombrables lettres qui seront publiées dans le Zeus ou le Diurnal Hermès, et le fait qu’une aimable et innocente jeune fille a été cruellement assassinée, sera chassé des esprits, par ce tourbillon de débats techniques. Jedd n’est pas homme à exposer sa réputation à de tels hasards. Non, Sheldon savait qu’il avait conduit son jeu avec prudence et que si, en fin de compte, il ne gagnait pas l’enjeu pour lequel il avait couru tant de risques, ce ne serait que pour avoir été un peu trop prudent.