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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/9

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

parlant d’une femme que quelques gentilshommes aimaient : pour l’aimer il fallait une éducation libérale ; pour aimer le vieux porto, il faut une éducation commerciale.

— Je suis sûre qu’un pareil vin doit vous être bon, » dit Georgy d’un ton presque aigre.

Elle pensait que cette fraîche créature n’avait pas le droit d’être malade. Les maux de tête, les faiblesses, les langueurs, et toutes les petites indispositions des femmes à la mode, étaient choses pour lesquelles elle, Georgy, avait un brevet, et cette indisposition de sa fille était une flagrante contrefaçon.

« Je pense, maman, que le porto me fera du bien avec le temps. Sans doute, je deviendrai aussi forte que cette personne qui étranglait des lions, des serpents, des chiens à je ne sais combien de têtes, et qui accomplissait quantité d’autres faits de ce genre.

— En vérité, je désirerais ne pas vous entendre parler de cette manière absurde, ma chère, dit Mme Sheldon avec un accent de dignité offensée. Je pense que vous devriez être sérieusement reconnaissante de l’intérêt que vous porte votre papa, et de l’inquiétude qu’il éprouve à votre sujet. Il est positif que je ne suis pas aussi inquiète que lui, mais naturellement ses connaissances médicales le rendent doublement attentif. Il y a six semaines il a remarqué que vous manquiez de force et de ton, comme il appelle cela. « Georgina, m’a-t-il dit, Charlotte manque de ton. Elle commence à tendre le dos d’une façon lamentable. Il faut lui faire prendre du porto, du vin de quinquina, ou quelque chose de fortifiant. » Puis, un jour ou deux après, il s’est décidé pour le porto et m’a donné la clé de la cave, qui sort rarement d’entre ses mains, et m’a