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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/103

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LA FEMME DU DOCTEUR

inexplicable changement chez Isabel depuis cette journée de juillet pendant laquelle elle avait parlé de ses auteurs favoris, pendant laquelle elle s’était émue, pendant laquelle elle avait tremblé avec un amour puéril pour les livres chéris où elle puisait les joies et les chagrins de sa vie.

Ces trois visages pâles, ces trois robes noires, avaient un aspect navrant sous les pâles rayons de ce soleil précoce. M. Raymond cogna à la vitre, et fit signe à la gouvernante.

— Pauvres êtres mélancoliques, n’est-ce pas ? — dit-il à George pendant que les trois jeunes filles s’approchaient de la fenêtre. — J’ai dit à ma femme de charge de leur donner beaucoup de viandes rôties, presque saignantes : c’est le meilleur antidote pour la tristesse.

Il ouvrit la porte vitrée et fit entrer Isabel et les deux enfants.

— Mademoiselle Sleaford, voici un ami qui est venu pour vous voir, — dit-il. — C’est un ami de Sigismund et un gentleman qui vous a connue à Londres.

George tendit la main, mais il vit quelque chose comme de la terreur sur le visage de la jeune fille lorsqu’elle le reconnut. Il tomba aussitôt dans une confusion et dans un embarras indicibles.

— Sigismund m’a prié de passer, — dit-il en balbutiant, — Sigismund m’a dit de lui écrire pour lui donner de vos nouvelles.

Les yeux de Mlle Sleaford se remplirent de larmes. Les larmes jaillissaient d’elles-mêmes dans ses yeux au moindre prétexte.

— Vous êtes tous très-bons pour moi, — dit-elle.

— Écoutez, mes enfants, — dit M. Raymond, — allez dans le jardin et promenez-vous. Vous, Gilbert,