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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/108

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LA FEMME DU DOCTEUR.

Les enfants s’écrièrent : Mon Dieu ! quand elles apprirent l’héroïque aventure de Mlle Corday ; mais elles s’intéressèrent beaucoup au sort des jeunes princes de la maison d’York, et se donnèrent le spectacle d’un étouffement figuré au moyen des coussins du sofa de la salle d’étude.

Il n’était pas probable que M. Raymond, dont l’attention était prise par les intérêts multiples de Conventford, pût consacrer beaucoup de temps aux deux élèves et à leur gouvernante. Il était satisfait de l’examen de la tête de Mlle Sleaford, et s’applaudissait d’avoir confié ses petites nièces aux soins de la jeune fille.

— Si elles étaient intelligentes, j’aurais peur de l’exagération du sentiment poétique qui la distingue, — disait-il ; — mais elles sont trop bornées pour souffrir d’une influence de ce genre. Elle possède une dose de moralité suffisante, bien qu’elle ne soit pas, sous ce rapport, à la hauteur du jeune médecin de Graybridge, et je suis certain qu’elle remplira convenablement ses devoirs auprès des enfants.

Personne ne contrariait donc les rapports d’Isabel avec ses élèves. L’éducation du monde, qui aurait été d’un prix incalculable pour elle, lui manquait à Conventford autant qu’à Camberwell. Elle vivait seule avec ses livres et les rêves que ceux-ci avaient fait naître, et elle attendait le prince, ou Ernest Maltravers, ou Henri Esmond, ou Steerforth ; — c’était le type hautain de Steerforth, et non l’ombre gracieuse du bon David qui hantait l’esprit de la jeune fille quand elle fermait le livre. Elle était jeune et sentimentale, ce n’était pas sur les types vertueux que son imagination s’arrêtait. Être beau, fier, et malheureux, était