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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/118

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LA FEMME DU DOCTEUR.

saire pour apercevoir l’inconvenance d’une pareille fantaisie, de la finesse d’ouïe indispensable pour saisir la dissonance existant entre l’héroïne et l’histoire. Hélas ! pauvre Izzie, tous tes rêves, tous les jolis romans engendrés par tes lectures, toutes tes méditations sur les Marie-Antoinette, les Charlotte Corday, les Édith Dombey, et les Ernest Maltravers ; toutes tes idées folles sur un Byron moderne, pris de la fièvre à Missolonghi et soigné par toi ; sur un nouveau Napoléon, exilé à Sainte-Hélène et suivi, peut-être délivré par toi, ont-ils abouti à ceci ? Aucune des aventures merveilleuses qui arrivent aux femmes ne t’arrivera-t-elle jamais ? Ne seras-tu jamais une Charlotte Corday et ne mourras-tu pas pour la patrie ? Ne porteras-tu jamais du velours grenat, des diamants dans les cheveux, et n’entraîneras-tu jamais un Carker quelconque dans un hôtel à l’étranger, pour le démasquer et le railler avec mépris ? Les pages du grand livre de la vie seront-elles closes pour toi, pour toi qui te crois prédestinée à une existence étonnante, par la seule raison que tu rêves tout éveillée ? Tout ce pays mystique et nuageux qu’habite ton imagination doit-il se condenser et se racornir en ceci : — une maisonnette vulgaire à Graybridge-sur-la-Wayverne et un vulgaire médecin de province pour mari.

George attendait devant la petite porte blanche du pavillon caché sous le lierre de Waverly Road, quand la voiture venant de Conventford fit son apparition. Sigismund était assis à côté du cocher et le questionnait sur les circonstances d’un meurtre commis dans le voisinage dix ans auparavant. M. Raymond, Mlle Sleaford, et les orphelines occupaient l’intérieur. Le médecin attendait au rendez-vous depuis un quart d’heure.