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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/127

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LA FEMME DU DOCTEUR

Étranger ? Les Rêves d’un Étranger, et quels rêves !… J’y ai jeté un coup d’œil ce matin sans couper les pages. C’est toujours une déception de couper les pages des poésies des jeunes gens. Quels rêves ! Assurément un Étranger ne pouvait être atteint de quelque chose d’analogue, à moins qu’il ne fût condamné à manger perpétuellement de mauvais soupers indigestes, de boire du vin aigre, ou de négliger la ventilation de sa chambre à coucher. Cette dernière précaution prise imparfaitement doit entrer pour quelque chose dans cette maladie. Quand on pense que Roland Lansdell a écrit une chose pareille… un garçon si intelligent… si généreux… si noble… un garçon qui pourrait être…

M. Raymond ouvrit le volume du bout des doigts comme s’il s’attendait à en voir sortir quelque objet déplaisant, et regarda obliquement les pages à mesure qu’il les tournait, murmurant les deux ou trois premiers vers d’un poëme, puis passant à un autre et laissant échapper de temps en temps des exclamations dédaigneuses.

— Imogène ! — s’écria-t-il. — À Imogène ! Comme si quelqu’un pouvait s’appeler Imogène ailleurs que dans Shakespeare ou dans la ballade du Moine, de Lewis. À Imogène : —

Penses-tu, cruelle Imogène,
Penses-tu quelquefois à moi,
À moi qui, le cœur dans la peine,
Ne vis qu’en toi ?

À moi qui, lorsque descend l’ombre
Sur le grand lac brumeux et froid,
Quand le jour meurt dans le flot sombre,
Ne vis qu’en toi !

Brisé ! Pulvérisé ! Détruit ! Titres charmants et faits