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LA FEMME DU DOCTEUR.

d’économie domestique. Le thé était servi sur une petite table ronde, tout près d’une fenêtre éclairée en plein par les rayons du soleil couchant. Isabel s’assit le dos tourné à la fenêtre et George à côté d’elle la contemplant dans un ravissement silencieux et se demandant comment il avait pu avoir la témérité de lui demander d’être sa femme. Le terrible Sigismund tira M. Raymond à part avant de se mettre à table, sous le fallacieux prétexte de lui montrer une image enluminée représentant « Joseph et ses frères, » et dans laquelle on remarquait un air de famille frappant entre les frères, et il lui raconta à voix basse, mais très-distinctement, ce qui s’était passé sur le petit pont. Il ne faut donc pas s’étonner si ce pauvre George et Isabel prirent leur thé en silence et se montrèrent assez gauches dans le maniement de leurs tasses. Mais ils échappèrent à de nouvelles félicitations de Sigismund parce que cet aimable jeune homme s’aperçut qu’il aurait fort à faire à tenir son rôle dans la démolition du fameux gâteau, énergiquement battu en brèche par les orphelines, pour ne rien dire de certain rayon de miel que la vieille femme modèle produisit pour le régal spécial de ses visiteurs.

Le crépuscule était venu pendant ce temps et les étoiles commençaient à scintiller faiblement dans le ciel couleur d’opale. M. Raymond, Sigismund et les orphelines, s’occupèrent à remettre dans les paniers les couteaux, les assiettes et les verres qui avaient servi au repas. La voiture devait venir les reprendre au cottage. Isabel s’arrêta sur le seuil de la petite porte, regardant d’un air rêveur le village et les lumières indécises brillant faiblement aux fenêtres, le bétail nonchalant traversant l’étang au milieu des