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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/145

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LA FEMME DU DOCTEUR

mettre de devenir sa femme. Cependant, il fut absolument terrifié de l’humiliante supposition de Jeffson, et, intérieurement, il ressentit une grande colère de l’insolence de son vieux compagnon de jeu.

— Vous voulez dire qu’elle ne m’aime pas ? — dit-il d’un ton sec.

— Oh ! Master George, mon intention est uniquement de me montrer sincère et loyal avec vous. Elle ne vous aime pas ; aussi sûr que j’ai lu le véritable amour sur le visage de ma Tilly, j’ai vu ce soir dans les yeux de Mlle Sleaford quelque chose qui n’est pas de l’amour. J’ai vu dans ses yeux un regard semblable à celui que je remarquai autrefois chez une créature qu’épousa un camarade de mon village. Ce camarade était un jeune homme qui possédait un petit bout de terre, une maisonnette, et ce qui s’ensuit. La jeune fille n’était pas folle de ce mariage ; mais ses amis, à force de conseils et de sollicitations, la décidèrent à dire oui. C’était une pauvre créature qui n’avait pas la force de dire non. J’étais au mariage de Joë Tillet, — il s’appelait Joë Tillet, — et je vis la charmante jeune fille debout, comme Mlle Sleaford ce soir, à côté de celui-ci, pendant qu’il parlait. Elle paraissait plus jolie que jamais avec son chapeau de paille et ses rubans blancs. Mais ses regards semblaient se fixer sur quelque objet très-éloigné, et quand son mari se retourna tout à coup et lui parla, elle tressaillit, comme si elle sortait d’un rêve. Je n’ai jamais oublié ce regard-là, Master George, et j’ai vu un regard semblable ce soir même.

— Quelle folie me contez-vous là, Jeff ! — répondit George avec une impatience extrême. — Je parie que votre ami et sa femme furent très-heureux.