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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/157

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LA FEMME DU DOCTEUR

vulgaire comparé à la mise en scène solennelle d’un mariage catholique romain. Il lui avait fait présent de sa robe nuptiale, et les orphelines avaient réuni leurs économies pour acheter à leur institutrice un chapeau dont on devait lui faire la surprise, mais qui manqua son effet à la façon de toutes les surprises savamment élaborées.

Isabel Sleaford prononça les paroles qui faisaient d’elle la femme de George Gilbert, et si elle les prononça à la légère, c’est que nul ne lui avait enseigné leur signification solennelle. Son cœur était pur du reproche de duplicité, son âme incapable de révolte et de désobéissance, et quand elle sortit de la sacristie appuyée sur le bras de son jeune mari, il y avait un sourire de satisfaction tranquille sur ses lèvres.

— La femme de Joë Tillet n’aurait jamais souri ainsi, — pensait George en regardant la jeune femme.

L’existence qui commençait pour Isabel était nouvelle, et comme elle était encore un enfant, elle croyait que nouveauté voulait dire bonheur. Elle allait avoir une maison à elle, des domestiques, un jardin, une basse-cour, deux chevaux, une voiture. Elle allait s’appeler Madame Gilbert ; — son nom n’était-il pas gravé sur les cartes que George avait commandées pour elle et qui étaient renfermées dans un porte-cartes en maroquin qui exhalait l’odeur des chaussures neuves et qui était difficile à ouvrir, et aussi sur ces billets de faire-part que le médecin avait distribués parmi ses amis ?

George avait commandé des enveloppes pour ces billets en faisant graver à l’intérieur le nom de famille de sa femme. Mais, à sa grande surprise, la jeune fille l’avait imploré de les contremander.