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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/177

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LA FEMME DU DOCTEUR

Elle avait renoncé à toute idée d’embellir le logis qui était devenu le sien. Après la tentative pour l’ottomane, il y en avait eu beaucoup d’autres qu’Isabel avait faites en faveur d’améliorations plus modestes et moins dispendieuses et qui s’étaient écroulées devant le robuste bon sens sous lequel George s’était fait une loi de refroidir l’exaltation de sa femme. Il avait épousé cette jeune fille parce qu’elle ne ressemblait à aucune autre femme ; mais maintenant qu’elle était sa propriété, il se mettait consciencieusement à l’œuvre pour la faire rentrer dans le moule ordinaire au moyen de ce fer moral qu’on nomme le bon sens.

Il réussit au delà de ses espérances. Isabel renonça à tout espoir de rendre sa nouvelle habitation jolie, ou de transformer George en Walter Gray. Elle s’était trompée et elle acceptait les conséquences de son erreur ; elle retomba dans cette existence oisive et rêveuse qu’elle avait menée si longtemps chez son père. Les occupations du médecin l’absorbaient tout le jour, et Isabel était livrée à elle-même. Il lui manquait toutes les distractions ordinaires d’une jeune mariée. Pas de domestiques à réprimander, pas de vaisselle à épousseter, pas de puddings, de pâtés, ou de potages à composer pour les repas de son mari. Mathilda s’acquittait de tous ces soins et se fût offensée de la plus légère immixtion de la petite fille que Gilbert avait épousée. Isabel agissait donc à sa guise, c’est-à-dire qu’elle lisait des romans du matin au soir, tant qu’elle avait des romans à lire ou qu’elle écrivait des fragments de vers lacrymatoires sur des demi-feuilles de papier.

Quand vint le printemps, elle sortit — seule ; car son