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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/198

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LA FEMME DU DOCTEUR.

mante confusion. Être présenté à ces deux êtres de cette façon sommaire, suffoquait presque la fille de Sleaford. Un léger parfum de jasmin et de fleur d’oranger s’échappait du mouchoir de Gwendoline et venait jusqu’à elle. Il lui sembla voir à travers le brouillard odorant qui obscurcissait sa vue que la dame blonde lui souriait et que le gentleman brun s’était levé à son approche.

— Je crois que vous connaissez déjà mon ami Roland, — répéta Raymond, — n’est-ce pas, mon enfant ?

— N… non, vraiment, — balbutia Isabel, — je n’ai jamais eu l’honneur de voir…

— Non, vous ne l’avez jamais vu avant aujourd’hui, — répondit Raymond en mettant la main sur l’épaule du jeune homme avec un geste de tendresse protectrice, — mais vous avez lu ses vers, ces jolis vers byroniens de salon, ces pastiches d’Alfred de Musset perfectionnés et anglicisés que vous aimez tant. Ne vous souvenez-vous pas de m’avoir demandé le nom de l’auteur de ces vers, Mme Gilbert ? Je vous ai répondu que l’Étranger était un gentilhomme campagnard du Midland, de haute volée, comme dit la ballade.

Le cœur d’Isabel palpita violemment, et ses joues pâles s’animèrent légèrement. Être présentée à cet homme idéal était quelque chose, mais que cet homme fût encore un poète, le poète dont les œuvres faisaient l’objet de son culte ! La parole lui manquait. Elle essaya de dire quelque chose, — quelques lieux communs sur la beauté des vers et sur le plaisir qu’ils lui avaient causé, — mais les mots refusèrent de venir, ses lèvres seules s’agitèrent. Avant qu’elle