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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/237

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LA FEMME DU DOCTEUR

sentait la rencontre : — lui, dans sa voiture tenant légèrement les rênes du bout de ses doigts gantés et ayant derrière lui un groom microscopique ; elle, debout sur le bord du trottoir, attendant le moment de traverser la rue et n’étant pas sortie pour faire une commission vulgaire, mais pour aller acquitter l’abonnement pour les eaux, ou négocier quelque mystérieux engagement de couverts d’argent ou toute autre commission digne d’une jeune personne bien élevée. À cette idée, elle se leva et se regarda dans la glace pour voir si elle était réellement jolie, ou bien si ce visage, tel qu’elle le voyait dans ses rêves, n’était pas seulement le fruit de son imagination, comme la mise en scène et les vêtements de ses divagations insensées. Elle appuya ses coudes sur la tablette de la cheminée, se regarda, rejeta ses cheveux en arrière, essaya des mines avec sa bouche et ses yeux, pour essayer de ressembler à Édith Dombey dans la scène de Carker, et se récita le passage à voix basse.

Non, elle ne rassemblait pas du tout à Édith Dombey : elle ressemblait plutôt à Juliette ou à Desdémone ; elle baissa pudiquement les paupières, puis les releva lentement laissant voir un regard tendre et pénétrant dans ses yeux noirs à reflet d’or.

Je suis très-fâchée que vous ne soyez pas bien !

murmura-t-elle. Oui, c’était décidément le rôle de Desdémone. Oh ! si au lieu d’épouser George, elle s’était simplement enfuie à Londres et s’était rendue tout droit chez ce directeur audacieux qui ne pouvait manquer de l’engager ! si elle avait fait cela, elle aurait pu jouer Desdémone, et Lansdell aurait pu aller