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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/256

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LA FEMME DU DOCTEUR.

— « comme c’eût été magnifique ! mais pensez qu’il attrape la fièvre, une fièvre comme celle qui tue les gens du commun, et qu’il meurt, juste au moment où il montrait sa grandeur et sa noblesse ! » — Rien de plus nouveau que de trouver toutes ces folles rêveries de pensionnaires dans la tête de la femme qui devrait être la plus positive de tout Graybridge, — la femme d’un médecin de campagne qui ne devrait pas, dans l’ordre ordinaire des événements, penser à autre chose qu’aux chemises de flanelle qu’on donne aux pauvres ou aux infusions de fleurs de camomille et de gruau. Comme elle ouvrira de grands yeux lorsqu’elle verra cette chambre et cette masse de livres ! Pauvre petite ! Je n’oublierai pas le joli tableau qu’elle faisait assise sous le chêne, ayant comme fond l’écorce gris-verdâtre du tronc et le ruisseau aux ondes limpides au premier plan.

Puis les idées de Lansdell qui semblaient singulièrement décousues ce jour-là prirent un autre tour.

— J’espère ne jamais faire le mal, — pensait-il. — Je ne suis ni un homme vertueux, ni un homme utile, mais je ne pense pas avoir jamais fait le mal.

Il alluma un autre cigare et se promena sur la terrasse, puis de là dans la grande cour quadrangulaire. Sur l’un des côtés de ce rectangle se trouvait une galerie qui faisait autrefois partie d’un cloître, et j’ai le regret de dire que les cellules de pierre dans lesquelles les moines de Mordred avaient coulé leurs jours tranquilles et leurs nuits méditatives, remplissaient maintenant le rôle de boxes pour les équipages de chasse de Lansdell. Des ouvertures avaient été pratiquées d’un compartiment à l’autre, car les chevaux sont des créatures plus sociables que les moines, et on remar-