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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/260

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LA FEMME DU DOCTEUR.

j’aurais fait ! — pensait-il, debout devant la fenêtre, le bras appuyé sur la balustrade et la tête posée sur sa main.

CHAPITRE XVI.

LANSDELL RACONTE UNE DE SES AVENTURES.

Le mardi était une belle journée. Le soleil du mois d’août — ce beau soleil de moisson qui réjouissait le cœur de tous les fermiers du Midland, éveilla de bonne heure Mme Gilbert. Elle allait au Prieuré de Mordred !… Pour la première fois, elle oublia de remarquer la laideur du chétif mobilier et des murs nus et blanchis à la chaux, sur lesquels tombaient ses regards. Elle allait au Prieuré de Mordred !… Il y a des instants dans la vie, pendant lesquels l’immense étendue du passé et de l’avenir n’est rien, comparée à la félicité absolue du présent. Il était de fort bonne heure, mais non pas trop tôt pour qu’elle se levât, pensait Mme Gilbert. Elle s’assit devant le petit miroir placé en face de la fenêtre ouverte, et peigna ses longs cheveux noirs pendant que les oiseaux sautillaient et s’ébattaient au soleil et que les beuglements indistincts des troupeaux arrivaient comme un sourd murmure des prairies voisines.

Le médecin et sa femme avaient tenu une conférence solennelle sur la question de l’heure à laquelle il convenait d’arriver au Prieuré de Mordred. Le luncheon se faisait à n’importe quelle heure jusqu’à trois, au plus tard, disait M. Gilbert ; et il fut en conséquence