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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/264

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LA FEMME DU DOCTEUR.

était très-complaisant ; il expliquait la nature de quelques-unes de ces belles choses en se promenant à la suite de ses hôtes. George marchait doucement, le chapeau à la main comme s’il avait été à l’église, et regardait tous les objets avec le même respect. Il fut charmé par un Vandevelde parce que la mer était jolie et verte et que les lames étaient parfaitement rendues ; et il s’arrêta un instant devant un Fyt pour admirer les moustaches d un lièvre. Il pensa qu’une divinité aux épaules rondes et potelées, peinte par Greuze, ornée de deux beaux yeux d’un bleu céleste et vêtue d’une robe de satin gris perle était une assez jolie femme ; mais il admira moins les Murillo et les Spagnoletti, et il pensa que les modèles qui avaient servi à ces maîtres auraient bien fait de se débarbouiller et de se peigner avant de poser.

Gilbert n’était pas enthousiaste de tableaux ; mais les regards d’Isabel erraient çà et là dans une extase d’admiration, et ses grands yeux noirs se remplirent de larmes devant la perle fine de la collection de Lansdell, un Raphaël, représentant le Christ succombant presque sous le cruel fardeau de sa croix, sublime de résignation, indiciblement mélancolique et tendre ; une délicieuse figure, demi-grandeur, se détachant vivement sur un ciel d’un bleu intense.

— Mon père croyait à ce tableau, — dit M. Lansdell, — mais les connaisseurs haussent les épaules et disent qu’il n’a jamais posé sur le chevalet de Raphaël Sanzio d’Urbino.

— Mais c’est magnifique ! — répondit Isabel d’une voix basse, presque craintive.

Le dimanche précédent elle s’était montrée très-inattentive au sermon du recteur, mais en regardant