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LA FEMME DU DOCTEUR.

clarant qu’il y avait erreur et que tout cela s’arrangerait aisément une fois en ville. Je laissai partir mes deux individus et je fus très-satisfait de l’aventure. Mais mon plaisir diminua lorsque je m’aperçus qu’il me fallait paraître comme témoin pendant l’instruction, les enquêtes, et à travers les innombrables péripéties d’un procès qui dura quatre jours et demi, sans parler des interrogatoires et contre-interrogatoires que m’infligèrent les vieux praticiens de Old Bailey, qui assistaient les accusés. Ils me demandèrent si c’étaient les favoris de l’homme que je reconnaissais ou si je n’avais jamais vu de favoris qui ressemblassent aux siens ? Si je le reconnaîtrais sans ses favoris ? Si je pouvais affirmer par serment la couleur de son gilet ? Si aucun membre de ma famille n’avait jamais été dans une maison de fous ? Si j’avais l’habitude d’occuper mes loisirs à voyager en compagnie d’agents de police ? Si je n’étais pas un fruit sec de l’Université d’Oxford ? Si je pourrais reconnaître une personne que je n’aurais vue qu’une fois en vingt ans ? Si j’étais myope ? Pouvais-je affirmer sous serment que je n’étais pas myope ? Serais-je assez bon pour lire une ligne ou deux d’une édition diamant des œuvres de Thomas Moore ? Et ainsi de suite. Mais de quelque façon qu’ils s’y prissent, l’accusé, connu sous le nom de Jack l’avocat, dit Jack le gentleman, dit un nombre de noms infinis, que j’ai absolument oubliés, était bien le même individu que j’avais vu accoster le domestique à l’entrée du Temple… Mon témoignage n’était qu’un simple anneau d’une longue chaîne, mais il faut croire qu’il fut préjudiciable à mon ami aux favoris noirs, car, lorsque lui et ses deux complices eurent entendu leur sentence, — dix années de travaux forcés, — il se tourna vers l’endroit