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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/305

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LA FEMME DU DOCTEUR

de l’éveiller de bonne heure, car l’insomnie coïncidait, d’après la croyance populaire et celle d’Isabel, avec l’idée de la passion léthifère. Dans son état normal, Mlle Sleaford aimait à dormir la grasse matinée et protestait nonchalamment, d’une voix traînante, lorsqu’on l’arrachait brusquement à quelque rêve insensé dans lequel elle se voyait vêtue d’une robe de velours qui ne voulait pas rester agrafée, et adorée par un duc qui persistait à se transformer en garçon épicier du coin.

Pendant toute la soirée, Isabel songea à la simple histoire de la mère de son mari, et souhaita d’être aussi vertueuse qu’elle et de mourir prématurément en prononçant de saintes paroles. Mais au milieu de ces pensées, elle se surprit à se demander si les mains de M. Gilbert le père étaient rouges et noueuses comme celles de son fils, s’il employait le même bottier, et s’il avait le même faible pour les oignons et pour le fromage du comté de Chester. Et de l’image de son lit de mort Isabel essaya en vain de chasser une image qui n’avait aucun droit de s’y trouver ; — l’image d’une personne qu’on aurait envoyé chercher en toute hâte, au dernier moment, pour recueillir ses dernières paroles et son dernier soupir.

CHAPITRE XVIII.

SECOND AVERTISSEMENT.

Roland n’invita ni Gwendoline ni son père à ce dîner de garçon qu’il devait donner au château