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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/78

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LA FEMME DU DOCTEUR.

pectait le vieillard avec une sincérité qui n’admettait pas le doute un moment. Lorsque son père fut mort, George commença véritablement à vivre. Les pauvres de Graybridge avaient de bons motifs de se réjouir du changement qui avait mis à la disposition du jeune docteur des moyens d’action plus étendus. Il fut élu unanimement au poste que la mort de son père avait laissé nominalement vacant, et partout où il y avait maladie ou souffrance sa bonne figure semblait apporter l’abondance, ses grands yeux bleus inspirer le courage. Il amenait avec lui une atmosphère de jeunesse, d’espérance, et de patience qui était plus profitable aux malades que les médicaments qu’il leur prescrivait. Après M. Neate, le curé, George devint l’homme le plus aimé et le plus populaire de Graybridge.

Son ambition n’avait jamais dépassé ce but. Il ne désirait ni la lutte ni les honneurs ; il voulait simplement être utile, et, lorsqu’il entendait lire à l’église la parabole des Talents, l’ardeur d’un bonheur tranquille courait dans ses veines, car il pensait à ses humbles trésors qui n’avaient jamais pu se rouiller faute d’usage.

L’existence du jeune médecin n’aurait pu être plus abritée des orages et des tempêtes du monde quand même les murs d’un monastère du moyen âge eussent entouré son humble logis. Les tumultes de la passion pouvaient-ils jamais pénétrer dans le cœur tranquille des bons provinciaux dont l’existence ne connaissait pas de plus grandes péripéties que le lent changement des saisons, et dont la vie intime n’était jamais troublée par le moindre événement ? Dans les environs, à Coventford, il y avait des grèves d’ouvriers, des