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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/80

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LA FEMME DU DOCTEUR.

à loisir la dégénérescence de l’époque actuelle. Ce père faible, dévoué et maniaque, était parti, et George regardait vaguement le fauteuil qui avait pris l’empreinte du vieillard ; mais son chagrin n’était pas empoisonné par des remords tardifs et cuisants ; il avait été bon fils, et il pouvait jeter un regard rétrospectif sur sa vie avec son père, en remerciant Dieu de l’existence paisible qu’ils avaient menée ensemble.

Mais il se trouvait bien isolé dans la vieille maison, qui était nue et vide, et que ne peuplait aucune de ces brillantes créations inanimées avec lesquelles l’art peuple d’un semblant de vie les retraites des riches ermites. Les murailles pesaient sur le jeune homme assis à la lumière vacillante d'une bougie et le chassaient dans la cuisine, qui était la pièce la plus gaie de la maison. Là, il pouvait causer avec William et Tilly, en s’appuyant sur le chambranle de la vieille cheminée en chêne et en fumant son cigare.

William et Tilly étaient certains M. et Mme Jeffson venus dans le Midland à la suite de la charmante jeune fille que M. Gilbert, le père, avait rencontrée pendant une excursion dans une tranquille petite ville du comté d’York. C’était dans une vieille rue bizarre, à l’ombre des jolies tourelles d’un monastère, au delà des maisons à pignons de laquelle s’étendaient des champs communaux, des fermes, des vergers et des jardins maraîchers. Dans une des familles qui exploitaient ces fermes, M. Gilbert avait rencontré la fraîche et séduisante jeune fille qu’il avait épousée, et M. et Mme Jeffson étaient des parents pauvres du père de cette jeune personne. À la prière de Mme Gilbert, ils avaient consenti à quitter le petit bout de jardin et de prairie qu’ils affermaient dans le voisinage