Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
LA FEMME DU DOCTEUR

vaguement sur le miroir magique des rêveries du jeune homme, et il se demandait si, sous l’influence de certaines circonstances, elle réaliserait jamais cet idéal. Oh ! non : c’était impossible. Il se reporta à la chaude soirée d’été et la revit assise dans le fauteuil du jardin. Il revit l’ombre des branches flottant sur sa robe de mousseline chiffonnée et sa chevelure repoussée au hasard en arrière pour découvrir son front bas et large.

— J’espère que ce fou de Sigismund ne reverra pas Mlle Sleaford, — pensait gravement George ; — il est assez imprudent pour l’épouser, et je suis certain qu’elle ne fera jamais une bonne épouse.

Le père de George mourut dans l’automne de 1852 ; au commencement du printemps suivant, le jeune homme reçut une lettre de son ami Smith. Sigismund s’étendait complaisamment sur ses affaires et ses projets, et donnait à son ami le résumé succinct du dernier roman qu’il avait commencé. George passa assez vite sur cette partie de la lettre : mais en tournant le feuillet il aperçut un nom qui lui fit monter le sang au visage. Il fut contrarié de cette émotion involontaire et très-intrigué de savoir pourquoi il tressaillait ainsi à la vue inattendue du nom d’Isabel Sleaford.

« Tu m’as fait promettre de t’informer de ce que j’apprendrais touchant les Sleaford, » écrivait Sigismund. « Tu apprendras donc avec beaucoup de surprise que Mlle Sleaford est venue l’autre jour chez moi me demander si je pouvais l’aider d’une façon quelconque à gagner sa vie. Elle désirait que je la présentasse comme gouvernante, demoiselle de