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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/159

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LA FEMME DU DOCTEUR

Vous savez, ma chère, il ne fréquente guère l’église et certains prétendent que c’est un athée ; cependant il était là, en évidence, et j’ai trouvé qu’il avait l’air malade. J’ai ouï dire à mon père que tous les Lansdell sont poitrinaires.

Mlle Burdock faisait au malheureux jeune homme des mines et des menaces avec ses sourcils incolores, comme s’il avait parlé d’un roman français inconvenant ou aventuré quelque autre objet de scandale. La pauvre Isabel pâlissait et rougissait tour à tour. Poitrinaire ! Quoi de plus vraisemblable, de plus rationnel, s’il en était ainsi ? Les hommes de cette espèce étaient destinés à une mort prématurée. S’imagine-t-on le Giaour radotant vers les quatre-vingts ans et se vantant de lire les petits caractères sans lunette ! Se représente-t-on le Corsaire marguillier ; ou Byron, Keats ou Shelley, devenus vieux, idiots, et le chef branlant ! Ah ! combien il valait mieux mourir errant et malheureux comme Shelley, dans les ondes d’un lac d’Italie, que d’en venir, comme le digne Samuel Roger, à demander d’un air effaré et sénile : « Qui êtes-vous, madame ? » à une gracieuse et éminente visiteuse ! Naturellement Roland devait mourir poitrinaire ; il s’éteindrait petit à petit, comme le ravissant Lionel dans Rosalinde et Hélène.

Isabel profita de l’occasion pour demander à Augustus s’il y avait beaucoup de gens qui mouraient de la poitrine. Elle voulait savoir quelles chances elle avait de finir de la même manière. Elle désirait tant mourir, maintenant qu’elle était rentrée dans la bonne voie. Le malheureux Augustus fut tout à fait soulagé par cette occasion soudaine de placer un discours de son métier, et lui et sa sœur se jetè-