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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/18

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LA FEMME DU DOCTEUR.

Il s’en fallait d’une heure trois quarts pour qu’il fût temps de partir pour Mordred. Mme Gilbert monta dans sa chambre pour arranger sa coiffure. Elle se regarda dans la glace et se demanda si elle était jolie. Il ne le lui avait jamais dit. Il ne lui avait jamais fait le moindre compliment. Mais néanmoins elle s’imaginait qu’il la trouvait jolie, sans qu’elle pût se rendre compte d’où lui venait cette idée. Elle redescendit dans le parloir, puis de là dans le jardin, où Smith l’appelait, — dans le petit jardin devant la maison, où croissaient quelques fleurs communes, couvertes de poussière, dans des plates-bandes en forme de plats, et dans l’angle duquel il y avait un édifice construit de coquillages et de fragments de verres de couleur, dans lequel Jeffson se plaisait à voir l’exacte représentation d’une grotte.

Smith avait beaucoup de choses à dire, comme c’était d’ailleurs son habitude ; mais, comme son discours était entièrement d’un caractère personnel, il manquait peut-être d’intérêt. Isabel marchait à côté de lui dans l’étroite allée et tournait poliment la figure de son côté, disant : « Oui, vraiment ! » ou « voici qui est curieux ! » de temps en temps. Mais ses pensées étaient les mêmes qu’à l’église ; elle pensait au bonheur sans pareil qui l’attendait, — à la soirée passée dans sa compagnie, parmi les tableaux et les fleurs de serre-chaude, les bustes en marbre et les tentures soyeuses, et des échappées sur les pelouses et les massifs éclairés par la lune qu’on pouvait apercevoir, par toutes les fenêtres ouvertes.

Voilà quelles étaient ses pensées quand une sonnette tinta bruyamment à ses oreilles, et, se retournant brusquement, elle vit un homme en livrée — un