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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/70

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LA FEMME DU DOCTEUR.

était absorbée par sa frayeur de perdre l’objet de son idolâtrie, je vais seulement passer un ou deux jours à la ville pour voir mon homme d’affaires… pour prendre des dispositions… des dispositions de la dernière importance… je serais un misérable de les négliger ou de m’exposer au moindre accident en les différant d’une heure. Il faut que j’aille à la ville ; mais je ne m’absenterai qu’un jour ou deux… deux jours au plus… peut-être un seul. Et lorsque je reviendrai, Izzie, j’aurai quelque chose à vous dire… quelque chose de très-sérieux… quelque chose qu’il est préférable de dire tout de suite… quelque chose qui contient tout le bonheur de ma vie future. Voulez-vous vous trouver ici dans deux jours… mercredi, à trois heures ? Oui, n’est-ce pas, Isabel ? Je sais que je fais mal en vous exposant au déshonneur de ces entrevues furtives. Si j’en ressens si péniblement la honte, combien ce doit être douloureux pour vous… ma chère enfant bien-aimée… mon innocente bien-aimée ! Mais ce sera la dernière, Isabel… ce sera la dernière fois que je vous demanderai de vous exposer pour l’amour de moi à cette humiliation. Dorénavant nous lèverons haut la tête, mon amour ; car, enfin, il n’y aura plus ni duplicité ni mensonge dans notre conduite.

Mme Gilbert regardait Roland avec une stupéfaction profonde. Il avait parlé de honte et de déshonneur et avec le ton d’un homme qui a souffert et souffre encore très-cruellement. Ce fut tout ce qu’Isabel comprit au discours de son amant et elle ouvrit les yeux avec l’étonnement de la stupeur en l’écoutant. Pourquoi donc avait-il honte ? Était-il humilié ou déshonoré ? Dante était-il déshonoré par son amour pour Béatrice ? Waller par son culte pour Sacharissa