Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
LA FEMME DU DOCTEUR

qu’il possédât un attribut qui fût également commun au traître. S’il paraissait si gravement affecté par ces rendez-vous sous le chêne, elle ne l’était pas moins ; et tel avait été le chevalier allemand, qui avait passé la plus grande partie de sa vie à contempler la cellule de la dame de ses pensées.

— Je vous verrai quelquefois, — dit-elle avec une hésitation timide, — je vous verrai quelquefois, n’est-ce pas, lorsque vous serez revenu de la ville ? pas souvent, sans doute ; je crois qu’il n’est pas bien de venir si souvent ici, à l’insu de George ; et la dernière fois je l’ai fait attendre pour le dîner ; mais je lui ai dit d’où je venais et que je vous avais vu, et il n’a rien dit du tout.

Roland soupira.

— Ah ! ne comprenez-vous pas, Isabel, — dit-il ; — que cela double notre honte ? C’est précisément parce qu’il ne dit rien, c’est précisément parce qu’il est si naïf et si confiant que nous ne devons pas le tromper plus longtemps, le pauvre diable. C’est là la honte, Isabel ; elle consiste dans l’hypocrisie et non dans l’action elle-même. Un homme se rencontre à armes égales avec son ennemi et le tue ! personne ne s’en plaint. Le plus habile doit toujours triompher ; et s’il triomphe loyalement, personne ne peut lui reprocher sa victoire. Vous voici toute déconcertée, n’est-ce pas, ma bien-aimée, par ces paroles décousues ? Mercredi je serai plus clair. Et maintenant, laissez-moi vous reconduire, — ajouta Lansdell en consultant sa montre, — si vous voulez être chez vous à cinq heures.

Il connaissait les habitudes du petit ménage du docteur et il savait que cinq heures était l’heure du dîner de Gilbert. Aucunes paroles ayant un caractère sérieux