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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/81

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LA FEMME DU DOCTEUR

La visiteuse passa brusquement à côté d’elle dans l’étroit vestibule, puis entra dans le parloir, où elle trouva la femme du médecin jouant nerveusement avec une petite broderie dont les seuls progrès étaient de devenir de plus en plus malpropre sous les doigts oisifs d’Isabel.

Ah ! quel endroit sombre et misérable c’était toujours que ce parloir de Graybridge ! et comme il paraissait doublement sombre ce jour-là, en présence de Gwendoline, richement et pompeusement vêtue de velours violet et de fourrures russes, les teintes dorées de sa chevelure contrastant avec les ombres bleu foncé de la garniture de son chapeau. Mme Gilbert plia presque sous le poids de toute cette splendeur aristocratique. Elle avança un fauteuil à sa visiteuse, et d’une voix tremblante invita Gwendoline à s’asseoir. Il y avait une teinte de snobisme dans la crainte respectueuse que lui inspirait la séduisante fille du comte. Gwendoline n’était-elle pas l’incarnation de toutes ses puériles rêveries du beau ? Il y avait bien longtemps déjà, dans le jardin de Camberwell, elle avait imaginé une créature semblable, et elle était frappée de terreur et toute tremblante par son éclatante présence. Puis il y avait d’autres raisons pour lesquelles elle pouvait trembler et pâlir. Gwendoline ne pouvait-elle pas être venue pour annoncer son prochain mariage avec Lansdell, et écraser devant elle la malheureuse enfant sous une folie et un désespoir violents et inattendus ? Isabel sentait que quelque calamité la menaçait, et elle restait pâle et silencieuse, attendant avec douceur le prononcé de sa sentence.

— Veuillez vous asseoir, madame, — dit Gwen-