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Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/173

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DU SERPENT.

femme, dans le bas de Windmill Lane, parce qu’elle n’avait pas mis de sel dans son poêlon quand elle faisait cuire des pois verts. »

L’effrayant parallèle entre la femme qui faisait cuire des pois sans sel et Jabez North en retard de deux heures frappa d’une telle terreur les jeunes femmes, qu’elles restèrent silencieuses pendant quelques minutes, durant lesquelles elles regardèrent un fumeron à la chandelle sans avoir, ni l’une ni l’autre, le courage de l’enlever, leurs nerfs les rendant incapables de faire jouer les mouchettes.

« Pauvre jeune homme ! dit enfin la servante ; savez-vous, miss Smithers, que je ne puis m’empêcher de penser qu’il a été bas dernièrement. »

Ce mot bas admettant pour le moment plusieurs sens, miss Smithers répliqua d’un air indigné :

« Bas, Sarah Anne ! pas dans son langage, assurément, et quant à ses manières, elles sont dignes d’un gentilhomme qui a appris la littérature.

— Non, non, miss Smithers, je veux parler de son humeur ; j’ai idée qu’il avait dernièrement quelque chose qui le chagrinait. Il est peut-être amoureux, ce pauvre jeune homme. »

Miss Smithers rougit ; ceci avait de l’intérêt pour elle ; M. North lui avait prêté Rasselas, qu’elle considérait comme une histoire d’un palpitant intérêt, et elle avait mis en ordre pendant trois ans ses bas et ses boutons de chemises. Qu’il arrivât certains