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Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/233

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DU SERPENT.

l’hôtel du marquis de Cévennes est meublé dans le style Pompadour, temps d’élégance, de luxure et de frivolité. Des portraits à cadres ovales, des beautés régnantes de l’époque ornent les panneaux des murs, et Louis le Bien-Aimé sourit avec un insipide sourire bourbonien au-dessus du manteau de la cheminée. Le chambranle de cette cheminée est en marbre, délicatement sculpté de feuilles de lotus et de nymphes aquatiques ; un feu de bois brûle sur les chenets dorés qui garnissent le foyer ; des tapis veloutés de Perse couvrent le parquet de chêne ; et un Cupidon suspendu au plafond, décoré de peintures, dans une attitude propre à déterminer une telle affluence de sang à la tête qu’il doit, en définitive, en résulter l’apoplexie, tient une lampe d’albâtre qui répand dans la pièce une lumière douce, mais rayonnante.

À cette clarté, la maîtresse de l’appartement, Valérie de Cévennes, paraît admirablement belle. Elle est assise dans un fauteuil bas, à côté du feu, regardant parfois dans le brasier rouge à ses pieds, avec des yeux rêveurs dont l’expression, quoique pensive, n’est pas triste. La jeune fille a fait un pas désespéré en épousant secrètement l’homme qu’elle aime, mais elle ne le regrette pas, car elle l’aime, et sa position perdue lui semble peu de chose quand elle la compare à cet amour qui ignore encore la douleur, qu’elle oublie qu’elle l’a perdue.