Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
LA TRACE

« Et vous n’aimez pas cette belle dame, Gaston ? dites-moi seulement que vous ne l’aimez pas. »

La voix connue répond :

« L’aimer ! bah ! Nous n’avons jamais d’amour pour ces belles dames, qui nous lancent de si tendres regards de leurs loges d’Opéra. Nous n’admirons jamais ces grandes héritières qui tombent amoureuses d’une belle figure, et n’ont pas assez de modestie pour tenir leurs sentiments à l’état de secret ; qui pensent nous honorer par un mariage qu’elles rougissent d’avouer et qui s’imaginent que nous devons être amoureux d’elles, parce que, d’après leur mode, elles sont amoureuses de nous.

— Avez-vous assez entendu ? demande Raymond de Marolles.

— Donnez-moi un pistolet ou un poignard, murmura-t-elle d’une voix dure, que je le tue, que je le frappe au cœur, que je puisse m’éloigner et mourir en paix.

— Ainsi, dit tout bas Raymond, elle en a entendu assez. Allons, madame, attendez encore, un dernier regard ; vous êtes certaine que c’est monsieur de Lancy ! »

L’homme et la jeune fille se tenaient à quelques pas d’eux, il tournait le dos à Valérie, mais elle l’eût reconnu entre mille à sa chevelure noire et à l’inclinaison particulière de sa tête.

« Certaine ! répondit-elle. Suis-je moi-même ?