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Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome II.djvu/197

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DU SERPENT.

Fitz Bertram déploie le plus d’énergie au milieu de tout ce monde ému et dit :

« Non, non ! »

Murmurant ensuite en lui-même :

« Assiste-moi, Jupiter, quel être désagréable !

— Mais l’aventure, racontez-la nous, je vous en prie ! disent les voix impatientes.

— Eh bien, ladies et gentlemen, j’étais un pauvre diable sans souci, fort paresseux, complètement satisfait de chausser une paire de bottes rouges à demi éculées et d’endosser une tunique verte en velours de coton, courte de manches, serrée au-dessous des côtes, et de marcher et de chanter au milieu d’un chœur avec cinquante autres individus aussi paresseux que moi, porteurs d’autres bottes rouges et d’autres tuniques de velours de coton, ce qui constitue, comme vous le savez, le costume de cour d’un choriste, depuis l’époque de Charlemagne jusqu’à celle de Louis XV. J’étais donc complètement heureux d’errer sur la scène, inconnu, sans être remarqué, mal payé, plus mal habillé, pourvu que, lorsque le chœur était fini, j’eusse ma cigarette, mes dominos et mon verre de vin. J’étais, un matin, en train de jouer cette éternelle partie de dominos (et jamais, je crois, dit Mosquetti entre parenthèse, malheureux n’avait eu si souvent le double-six dans les mains), quand on me dit qu’un monsieur demandait à me voir. Ceci me parut une trop bonne