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Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome II.djvu/230

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LA TRACE

La pièce est vide quand elle y pénètre, et elle s’assied dans les ténèbres épaisses, car il n’y a d’autre lumière que la flamme vacillante du triste feu.

Quelles sont ses pensées, pendant qu’elle est assise dans l’obscurité de cet appartement silencieux ? Qui le dira ? Quelle profonde forêt, quelle immense étendue d’océan, quelle île déserte est plus morne que l’arrière-appartement d’une maison de Londres, dont la croisée laisse voir pour horizon un mur grisâtre et élevé ou quelque phénomène de végétation, lugubre, desséché par la fumée, fantastique, que nul autre sur terre que le propriétaire ne s’avisa jamais d’appeler un arbre ?

Quelles sont ses pensées dans cette pièce à l’aspect désolé ? Quel peut être le sujet de ses pensées, si ce n’est celui qui a occupé son esprit depuis huit années écoulées, le souvenir de l’homme qu’elle aimait et qu’elle a tué. Et il était innocent ! Aussi longtemps qu’elle a été convaincue de sa culpabilité, de sa cruelle et amère trahison, il lui a paru un sacrifice, ce crime de la nuit de novembre. Aujourd’hui il prend une autre couleur, c’est un meurtre, et elle a été une pitoyable marionnette dans les mains d’un démon, passé maître.

M. Blurosset entre dans l’appartement, et la trouve seule avec ses pensées.

« Madame, dit-il, j’ai peut-être l’honneur de vous connaître ? »