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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/182

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LES OISEAUX DE PROIE

le bras de Charlotte avec ses manières réservées, était un être qu’il n’avait jamais vu, tout différent de cette Mlle Paget, dont les regards fatigués l’avaient fixé d’une si étrange façon dans les salons du Kursaal belge.

La conversation fut d’abord assez languissante : on agita la question de savoir si cette soirée n’était pas plus chaude que celle qui l’avait précédée et si ce n’était pas, en réalité, la plus chaude soirée de l’année. Mais la glace fut bientôt rompue. Haukehurst se mit à parler de Paris sur un ton familier et entendu : Mlle Halliday n’y était jamais allée ; du livre nouveau, de la dernière pièce, et de la dernière mode des chapeaux, car c’était un des talents spéciaux de ce jeune drôle de pouvoir parler sur tout et d’être à son aise partout. Charlotte écoutait en ouvrant de grands yeux la conversation animée de l’étranger. Elle était lasse des insipides propos des gros bonnets de la Cité et de la grande entreprise avortée, et du taux de l’argent, et des chances de la Compagnie, etc., etc. C’était une chose toute nouvelle pour elle d’entendre parler de romans, de théâtres, et de chapeaux par un monsieur, et de voir qu’il existât des hommes qui pussent prendre intérêt à ces choses.

Elle était enchantée de l’ami de Diana. C’était elle qui, de temps à autre, encourageait Valentin par de petits « oh ! » ou de petits « ah ! » pendant que Mlle Paget demeurait silencieuse et pensive.

Ce n’était pas ainsi que Diana avait espéré retrouver Valentin. Elle le regardait de temps en temps pendant qu’il marchait à son côté. Oui ! c’était bien son ancien visage qui aurait été si beau s’il avait révélé quelque émotion, mais qui décourageait la sympathie sous son masque de glaciale impassibilité. Diana le regardait et