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LES OISEAUX DE PROIE

Valentin venait très-souvent à La Pelouse, quelquefois avec son patron et ami, et quelquefois seul. Il avait pour ces dames toutes sortes de petites attentions ; il leur apportait tantôt un roman français, choisi bien entendu parmi ceux qu’une femme peut lire, tantôt une loge pour quelque théâtre prodigue de billets de faveur. Parfois, il rencontrait les deux jeunes filles, lors de leur promenade du matin aux jardins de Kensington, et il les accompagnait sous les allées ombreuses jusqu’à la porte. Une si grande partie de sa vie s’écoulait à attendre des chances nouvelles, qu’il pouvait bien perdre quelques heures dans la société des femmes. D’ailleurs il semblait que celle de Diana et de son amie ne lui déplût pas.

Ce n’était pas Mlle Paget qui était heureuse de ses visites, de ses assiduités. Hélas ! non ! Il y avait eu un moment où elle avait désiré de toutes ses forces voir cette figure aimée, où elle s’imaginait que le plus grand bonheur qui pût lui arriver était de le retrouver n’importe où et dans quelque circonstance que ce fût. Elle le voyait maintenant presque tous les jours, et elle se sentait malheureuse. Elle le voyait, son Valentin ! mais une autre femme se trouvait entre elle et lui. Si sa voix devenait plus douce, son regard plus tendre, c’était peut-être Charlotte qui avait fait ce miracle. Qui pouvait dire même si ce n’était pas pour Charlotte qu’il venait aussi souvent et restait aussi longtemps ? Diana lui jetait un regard irrité et triste lorsqu’elle s’imaginait que c’était Mlle Halliday qui l’attirait, le captivait. Hélas ! oui, c’était Charlotte, Charlotte brillante et heureuse, et bien faite pour troubler le cœur le plus sec. Que devenait la sévère beauté de Mlle Paget devant les charmes exquis de sa jeune compagne ? Diana se