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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/203

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LES OISEAUX DE PROIE

Ce fut une très-longue conversation. Sheldon produisit une volumineuse liasse de papiers et en communiqua quelques-uns à Valentin en commençant par l’annonce qui avait la première appelé son attention, mais en se gardant bien de montrer à son collaborateur l’article du journal l’Observer dans lequel l’importance de la fortune laissée par l’intestat se trouvait indiquée. Valentin avait eu, pendant le cours de sa carrière passée, peu à faire avec les généalogies et les registres baptismaux, mais sa présence d’esprit le seconda en cette circonstance. L’expérience l’avait rendu actif et prêt à tout. Tout de suite, il se montra à la hauteur de l’avocat.

« J’ai retrouvé, dit celui-ci, la trace de ces Haygarth en remontant jusqu’à leur bisaïeul, décédé intestat, lequel était un charpentier puritain, sous le règne de Charles I. Il paraît qu’il avait fait fortune. Comment ? Je n’ai pu le découvrir d’une manière quelque peu certaine ; mais il est plus que probable qu’il avait servi dans les guerres civiles et avait fait partie de ces bandes de chanteurs de psaumes, à la tête rasée, qui ne négligeaient aucune occasion de piller les châteaux des royalistes. Toujours est-il qu’il avait fait fortune, et que son fils, le grand-père de l’intestat, était un riche citoyen sous le règne d’Anne et de George I. C’était un épicier qui demeurait sur la place du Marché, à Ullerton, dans le comté de Leicester. Ce n’est plus aujourd’hui qu’une petite ville morte, mais il paraît qu’elle était assez prospère à cette époque. Cet homme, le grand-père, était bien partagé en entrant dans le monde, et il fit une grosse fortune avant d’en sortir. L’heureux coquin vivait dans un temps où le libre-échange et la concurrence étaient inconnus, où le thé valait quelque chose comme soixante francs la livre, et où un chanteur de psaumes