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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/205

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LES OISEAUX DE PROIE

Haygarth fit une demi-douzaine de testaments en faveur d’une demi-douzaine d’individus, par lesquels il déshéritait complètement le dissipateur Matthieu. Heureusement pour ce mauvais sujet de Matthieu, le vieux avait l’habitude de se fâcher avec ses meilleurs amis, mode qui n’est pas entièrement perdue, malgré les lumières du dix-neuvième siècle ; si bien que les testaments furent brûlés les uns après les autres jusqu’à ce que le digne Jonathan devînt aussi impotent et faible d’esprit que son illustre contemporain et homonyme le doyen de Saint-Patrick. Il fut enlevé par une attaque d’apoplexie, ce qui le fit mourir absolument intestat, d’où il résulta que le débauché de Soho et de Covent Garden hérita d’une très-belle fortune. C’est en 1766 que le bonhomme mourut à quatre-vingts ans. C’était un bel échantillon de ces bons vieux commerçants anglais de l’école puritaine. Matthieu avait alors quarante-six ans, et je présume qu’il était fatigué de son existence débraillée. Quoi qu’il en soit, il paraît s’être établi très-tranquillement dans la vieille maison de ses pères, sur la place du Marché à Ullerton. Il s’est marié environ sept ans après avec une respectable demoiselle également de l’école puritaine. Il est mort subitement dans cette maison ou dans le voisinage une année après son mariage, laissant pour unique héritier le révérend intestat. Maintenant, mon cher Haukehurst, vous qui êtes un homme perspicace et habile, je n’en doute pas, à deviner les énigmes sociales, vous commencez peut-être à comprendre mon idée…

— Non, je n’y suis pas du tout.

— Dans mon opinion, il est peu probable que Matthieu Haygarth ait dû se marier avant l’âge de cinquante-trois ans. Les hommes de cette espèce arrivent rarement à un