Aller au contenu

Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
LES OISEAUX DE PROIE

« Est-il vrai qu’il n’y ait pas de prédestination ? N’étais-je pas prédestiné à vivre dans un bouge, à être élevé au milieu de gens sans foi et sans honneur, à me nourrir comme un vagabond, à porter des habits non payés ? Les Euménides n’ont-elles pas présidé à la naissance de Richard Savage, qui fut tellement malheureux que pour lui les lois de la nature semblaient renversées, puisque sa mère même le haïssait. Une fatalité sinistre ne s’est-elle pas attachée aux pas de Chatterton ? Une mystérieuse malédiction n’a-t-elle pas frappé ces hommes qui portaient le nom de ducs de Buckingham ?

« Quelles folles lamentations je me laisse aller à consigner dans ce journal, qui ne devrait être qu’une simple relation ; mais il est si naturel au genre humain de se plaindre, qu’à défaut de confident, il a recours aux plumes, à l’encre et au papier.

« Je consacrai ma soirée à une conversation avec l’aubergiste et avec sa femme. Le nom de Haygarth leur était aussi inconnu que s’il eût appartenu à une inscription trouvée dans le tombeau des Pharaons. Je me fis renseigner sur les quelques habitants du village, et j’appris que le vieillard le plus âgé était le sacristain : il y était né, et, à ce que croyait mon hôte, il ne s’était jamais éloigné de son lieu de naissance de plus de vingt milles. Son nom est Peter Drabbles. La première chose que j’aurai à faire demain matin sera d’aller le trouver : quelque personnage du genre de mon vieux loup de mer, je suppose ; puis, j’examinerai les registres de la paroisse.

« 7 octobre. — Matinée humide. Pluie fine. Sans parler d’un froid pénétrant qui, malgré mon épais pardessus, me glace jusqu’à la moelle des os. Je ne crois