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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/62

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LES OISEAUX DE PROIE

Elle connaissait cette femme depuis son enfance ; depuis la veille, elle la trouvait changée, bouleversée ; elle la regarda : elle fut comme stupéfaite, elle n’en revenait pas. À l’ordinaire, le visage de la brave femme avait tout le luisant d’une vieille pomme d’api conservée ; ce matin-là, il était méconnaissable, blême, pâle, d’une pâleur mate, maladive, effrayante. Georgy était glacée. Quant à Nancy, si vive, si gaie, elle semblait dominée par une force extraordinaire qui l’avait comme pétrifiée, lui imposant une attitude calme, impassible, comme surnaturelle.

« Qu’y a-t-il, Nancy ? répéta Mme Halliday en se levant du canapé.

— Ne vous effrayez pas, Mlle Georgy, répondit la vieille qui était disposée à oublier que la femme de Halliday avait cessé d’être Georgina Cradock ; ne vous effrayez pas, ma chère enfant, je n’ai pas été bien durant toute cette nuit, et… et je me suis tourmentée au sujet de M. Halliday. Si j’étais de vous, je ferais venir un autre médecin. Ne faites pas attention à ce que dit M. Philippe, si adroit et si instruit qu’il soit, il peut se tromper, voyez-vous. Enfin, je ne veux pas vous en dire plus long, mais suivez mon conseil, madame Georgy, et appelez un autre médecin tout de suite, » répétait la vieille femme en serrant les mains de Mme Halliday avec une énergie passionnée, comme pour donner plus de force à ses paroles.

La pauvre et craintive Georgy se recula d’elle avec terreur.

« Vous m’épouvantez, Nancy, disait-elle. Croyez-vous Tom plus malade ?… Vous n’avez pas été avec lui de toute cette nuit. Il a dormi avec beaucoup plus de calme. Qui donc vous rend si inquiète ce matin ?