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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/82

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LES OISEAUX DE PROIE

Le jeune homme circula autour de la table, jusqu’à ce qu’il trouvât une chaise libre, et il s’y assit, et après avoir regardé le jeu pendant quelques minutes, il se mit à jouer lui-même. Depuis le moment où il se laissa tomber sur ce siège vacant jusqu’à celui où il se leva, trois heures après, le jeu excepté, il ne parut pas avoir conscience de ce qui se passait autour de lui. La jeune fille le regarda à la dérobée, quelquefois, mais il ne sourcilla point, et la seule chose qu’elle put voir, ce fut le masque impassible d’un joueur de profession que le regard d’une femme ne saurait troubler.

Enfin, elle poussa un soupir, en appuyant fortement la main sur le dos de la chaise derrière laquelle elle se trouvait. Ce mouvement fut senti par l’homme qui y était assis, et, pour la première fois, il tourna les yeux de son côté.

« Vous êtes fatiguée, Diana ? lui dit-il.

— Oui, mon père, je suis très-fatiguée.

— Alors, donnez-moi votre carte, et allez-vous-en, répondit le joueur d’un ton maussade. Les jeunes filles se fatiguent de rien. »

Elle lui remit la mystérieuse carte perforée, couverte de trous d’épingle ; puis, après avoir rôdé quelque temps dans le salon et erré d’une fenêtre à une autre, elle finit par sortir. Elle passa dans une pièce voisine. Des enfants prenaient une leçon de danse aux sons d’un petit violon. Elle s’assit sur une banquette, resta là quelques instants, puis se leva, se mit encore à la fenêtre, et silencieuse, un peu inquiète, elle comptait les groupes élégants qui bavardaient, causaient, se reposaient dans l’ombre.

« Avec quel luxe extravagant l’on s’habille aujourd’hui, pensa-t-elle, et combien ma toilette paraît pauvre