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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/105

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

bonnes qualités, avait reçu une éducation soignée, mais une faiblesse de la vue l’avait mis hors d’état de gagner sa vie par un travail qui exige de bons yeux. Pauvre et sans proches parents, il serait tombé, par suite de cette position, et dans l’ordre ordinaire de la société, à la charge des établissements de charité ; dans ceux-ci, sa vie aurait été pauvre sous le rapport de l’esprit et du corps, ou bien il aurait fait partie des travailleurs voués à une occupation grossière et ne vivant que pour la vie matérielle. Membre du Phalanstère, cet homme donne dix heures par jour de son travail manuel, et en retour il a droit à toutes les jouissances de la vie civilisée, à la société de gens bienveillants et bien élevés, à une bonne table en joyeuse compagnie, à des soins pleins d’amour. Chaque soir, après la journée de travail, il peut, à volonté, se reposer ou se ranimer en société dans une grande pièce claire où il trouve des femmes aimables, de jolis enfants, de la musique, des livres, l’occasion de parler des intérêts les plus élevés de la vie en étroite liaison avec ceux de l’association. Au résumé, je commence à aimer cet établissement, en m’occupant de lui et en songeant à sa justice envers cet individu et bon nombre de ses semblables. N’est-ce pas quelque chose de grand et de beau que de voir la vie civile la plus élevée recueillir l’homme le plus minime, quand il ne s’en est pas rendu indigne,—le faire participer à sa vie lumineuse en échange de la part qu’il prend à sa vie de travail. C’est là précisément le but du socialisme chrétien ; et la face tournée vers la lumière éternelle, il peut dire d’un ton consolant, comme M. A… (prêtre et fermier), au moment de nos adieux : « Nous sentons ici que nous ne marchons sur personne. »

Cependant mes objections sur le peu de consistance de