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LA VIE DE FAMILLE

— ce sermon grandiose est tel qu’il le faut pour le Nouveau-Monde, ce grand foyer de tous les peuples et de toutes les races. Bergfalk, qui était parmi les auditeurs, a été frappé comme moi de ce discours et du prédicateur, M. Bellaws. Je vais dîner avec mes amis les Downing à Astorhouse, et passerai la soirée dans la famille Sedgewick. Demain, je serai d’un grand dîner, et le soir à l’Opéra, etc., etc.

Jeudi.

Y a-t-il rien au monde de plus ennuyeux, de plus triste, de plus recherché, de plus insupportable, de plus propre à tuer l’âme et le corps qu’un — grand dîner à New-York ? Quant à moi, je ne le crois pas. On se met à table à cinq heures et demie ou six heures, on y reste jusqu’à neuf ; les services se succèdent, les friandises de même, et — on se tait. Je n’ai jamais entendu un silence pareil à celui de ces grands dîners. Afin de ne pas m’endormir complétement, je suis obligée de manger sans avoir faim et des choses qui ne me conviennent pas, J’éprouve en même temps de tels mouvements d’impatience et de colère causés par cette manière de perdre le temps et les dons de Dieu, de s’ennuyer si cruellement, que je pourrais lancer les plats et les assiettes à terre, et payer l’hospitalité par une mercuriale, si j’avais en moi — assez d’énergie pour le faire. Mais je me tais et souffre, je m’irrite et calomnie en silence. Ce n’est pas précisément bien, mais c’est plus fort que moi. Je me suis trouvée hier à l’un de ces grands dîners. — Quel festin ! Deux hommes âgés, des légistes, étaient assis en face de moi, et sommeillaient quand ils n’ouvraient pus la bouche pour engloutir les bons morceaux qu’on leur présentait. Dans les noces de village, en Suède, où l’on reste aussi trois heures à table, on fait du