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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/124

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LA VIE DE FAMILLE

Quand je rentrai au milieu de la nuit avec Anna Lynch, l’air était délicieux, et cette course avec un pareil air, par des rues silencieuses (les trottoirs sent ici larges et unis comme un plancher), me parut fort agréable. Le firmament, — « la ville de Dieu, » — avec ses voies, ses groupes de demeures étincelantes, s’arrondissait au-dessus de nous avec une majesté, un silence calmes. Durant cette nuit étoilée, Anna Lynch m’ouvrit son cœur ; j’y vis une base profonde, grave, parsemée de lumineuses étoiles, que je n’aurais guère soupçonnée chez cet être joyeux, qui, semblable au papillon, voltige dans la vie sociale comme dans son véritable élément. Je l’avais toujours trouvée extrêmement aimable ; j’avais admire l’habileté qu’elle avait eue, étant sans fortune, et uniquement par son talent, son activité personnelle, de se créer, ainsi qu’à sa respectable mère, une existence indépendante, et de devenir le centre du monde social lettré le plus éminent de New-York, qu’elle réunit toutes les semaines dans son salon. J’avais aussi admiré son esprit sans méchanceté, sa gaieté, sa bonne humeur naïve, une certaine expression dans ses yeux, qui semble chercher quelque chose au loin, bien loin dans la forêt, au milieu de son apparente vie dissipée. En un mot, elle m’avait plu et fait éprouver le pressentiment d’un intérêt plus élevé ; — maintenant, je l’aime. Elle est de ces oiseaux de paradis qui volent sur la terre sans souiller leurs ailes dans la poussière. Anna Lynch, avec son individualité et le point de vue d’où elle juge la société, est l’une des figures particulières du Nouveau-Monde.

Les réunions du soir et de la nuit, auxquelles j’ai assisté ici, ne sont pas comparables à celles du même genre que j’ai vues en Suède et en Danemark. Ici, il n’y a pas as-